Cet article participe au RDV #histoiresexpatriées organisé par le blog l’Occhio di Lucie.
Quand je dis que je suis française les regards s’éclairent. » Aaah que lindo es Paris! » c’est la ville de l’amour. L’enthousiasme s’estompe un peu quand je précise que je ne suis pas parisienne. Et je sens même une petite pointe de déception lorsque je mentionne l’Espagne toute proche pour situer ma Carcassonne natale: j’ai perdu un peu d’exotisme. On voudrait que je parle de souvenirs d’enfance entre le Louvre et les Galeries Lafayette, mais je ne peux qu’évoquer la superette et le café PMU de campagne. C’est le coup de grâce si je décide de raconter la vérité, c’est-à-dire que je connais assez peu la capitale de mon pays. J’ai grandi dans un village du Languedoc, je n’ai jamais vécu à Paris et j’y suis toujours passée en tant que touriste. Mais loin de s’attrister, mon interlocuteur est pris d’un regain d’enthousiasme en écoutant le mot «village» car ….
Si notre capitale reste bien-sûr le summum du romantisme, vivre à la campagne serait une espèce de cadre de vie idyllique digne d’un conte de Perrault. Effectivement, les français ne se rendent pas compte à quel point ils vivent entourés de bâtiments vieux de plusieurs siècles.
Ici à Buenos Aires, une église du XVIIIème siècle constitue une antiquité très rare, alors le patrimoine historique européen est d’un pittoresque tout à fait charmant. A chaque retour en France, j’ai appris à regarder d’un autre oeil ce hameau aux trois maisons blotties autour du clocher, le centre ville aux ruelles tortueuses et médiévales, les maisons à colombages, les petites parcelles de vignobles ou de champs, la petite chapelle perchée sur la colline. Tous ces détails qui pour un argentin sont un vrai décor de la Belle au Bois dormant, tandis que pour moi les agglomérations de la Pampa avec leur quadrillage parfait, les maisons basses et les façades blanchies à la chaux au milieu des grands espaces me renvoient à l’imaginaire des westerns.
Une fois, j’ai provoqué un malaise dans l’auditoire quand j’ai expliqué que je ne faisais pas de shampoings tous les jours. Oui, cela démontre bien que nous sommes sales, c’est d’ailleurs pour cela que nous aurions inventé le parfum: pour masquer les odeurs. Parle-t-on vraiment des Français du XXIème siècle ?
La question de la propreté – et par là même la sensibilité aux odeurs – tient presque de l’obsession en Argentine, comme dans de nombreux pays où le climat est chaud, à tendance subtropicale. Ici on apprend aux enfants dès leur plus jeune âge à se laver au bidet après être allé aux toilettes (un jour je vous raconterai tout ça plus en détail) et en été on prend plusieurs douches par jour. En tant que fille l’exigence est encore plus forte: le lissage des cheveux, la manucure, la visite chez l’esthéticienne figurent en bonne place du manuel de l’argentine parfaite. Et pour ce qui est de l’épilation …. pfiouuh… le poil c’est l’ennemi nº1 et il est traqué implacablement jusque dans des endroits les plus improbables! Je vous ai partagé cette expérience douloureuse dans une chronique: Cliquez ici pour la lire . Alors vu comme cela sommes-nous sales en France ou simplement plus détendus sur la question?
Malgré notre négligence en terme d’hygiène nous serions tout de même de sacrés amants. Pas seulement des romantiques, mais de vrais inventeurs de l’érotisme. Les scènes de nus dans les films français sont d’ailleurs une preuve irréfutable de nos moeurs légères, tandis que la Tour Eiffel (et oui Paris encore!) aurait un effet aphrodisiaque immédiat. Si je ne dispose d’aucune statistiques en ce qui concerne la vie sexuelle de mes compatriotes, en revanche je n’avais jamais pris conscience de cette réalité cinématographique: c’est vrai, on voit souvent des corps dénudés dans bon nombre de séries, films, et téléfilms de mon pays.
Au début du siècle dernier, à Buenos Aires, beaucoup de prostituées étaient de nationalité française. Cette réalité historique ( évoquée dans les paroles de tangos) ou encore les événements de Mai 1968 (et la Révolution sexuelle qui a suivi) ont dû fortement marquer l’imaginaire d’une société conservatrice comme celle de l’Argentine. Cette distorsion est peut-être due aussi à une habitude bien ancrée dans la drague ici : el histeriqueo. Cela consiste à ne pas montrer de signe d’intérêt pour ce gars qui te plaît – c’est-à-dire plus il te plaît, moins il faut le lui montrer – les hommes sont donc habitués à insister, insister, et insister encore. C’est un jeu subtil dont tout le monde se plaint mais que tout le monde adore pour se rendre intéressant au yeux de l’autre sexe. Le simple fait d’engager une conversation avec un homme sans se la jouer indifférente peut donc parfois être mal interprété: évidemment sur ce critère, on entre facilement dans la catégorie de dévergondée.
La France c’est le pays de l’élégance, de l’art et de la mode. L’architecture de Buenos Aires, en particulier celle de Recoleta, un des quartiers le plus huppé de la ville, prend modèle sur Paris. Dans les années 1900, les familles issues de la haute bourgeoisie ont fait appel à des architectes français pour faire construire leurs hôtels particuliers, c’est le cas par exemple du palais Ortiz Basualdo aujourd’hui Embassade de France (voir photo ci-contre). Une légende urbaine raconte même que les moineaux et les platanes y ont été implantés pour que la ressemblance soit plus flagrante. A Recoleta, vous pourrez rencontrer cette dame d’âge mûr, très classe, qui vous racontera qu’elle fréquente avec assiduité «l’Alliance» (l’Alliance française) et qui, face à vous, français, se sentira obligée d’insister sur son amour pour le théâtre ou le cinéma. Synonyme de raffinement, la langue de Molière est utilisée par certaines marques comme les salons de thé «Croque Madame» ou les produits de beauté » Plusbelle». En Amérique du Sud, les prénoms Yvonne ou Nicole ne sont pas rares chez des jeunes filles d’une vingtaine d’années.
Un pays où il n’est pas question d’inflation, où l’économie est stable et où l’on ne s’inquiète pas du taux de change du dollar (c’est-à-dire de la valeur de sa monnaie nationale): voilà une définition du paradis pour un Argentin, qui, malheureusement, vit dans une incertitude économique permanente. Alors avoir des euros, c’est être le roi du pétrole.
En France, effectivement, nous pouvons mettre de l’argent de côté sans que nos économies perdent de la valeur d’une année sur l’autre, nous bénéficions de nombreux avantages sociaux – s’il vous plaît chers concitoyens pensez-y à deux fois avant de râler contre la CAF ou le Pôle Emploi : ici ce sont 15 jours de vacances annuels, pas d’assurance chômage ni d’aide au logement- . Il devient difficile de comprendre qu’avec cette sécurité matérielle, certains français aient tout de même du mal à boucler les fins de mois ou que d’autres vivent dans la rue? Même si les récentes manifestations des gilets jaunes pourraient démontrer que tous les problèmes sociaux ne sont pas pour autant résolus, ce n’est pas ce qui est retenu outre atlantique. C’est un motif de plus d’admiration: il semblerait que nous sommes un modèle aussi pour la revendication sociale et la Révolution. Rien ne peut contre l’optimisme inné des argentins et leur enthousiasme envers la France!
Cet article participe au rendez-vous #histoireexpatriées créé par le blog L’occhio de Lucie. Une chouette initiative qui réunit des blogueurs expatriés à travers le monde autour d’un thème et nous permet de connaître la vie de différents pays. Ce mois-ci, retrouvez les clichés sur les français à travers le monde avec:
La marraine du mois: Eva expatriée au Japon, créatrice du blog Frenchy Nippon
Ferdy au Canadá – Ferdy Pays d’épice
Alexienne à Madagascar – Alexienne
Karine à Hongkong – Hotfonduepot
Barbara au Costa Rica et en Espagne – Hilorico
Catherine en Alemagne – 3kleinegrenouilles
Angélique au Sénégal – Foguescale
Facebook Comments