Mon parcours professionnel n’est pas un parcours traditionnel puisque je ne sais ni lire ni écrire la musique, je fais partie de ces musiciens qui se sont nourris par ce qu’on appelle la transmission orale. Je me consacre professionnellement à la musique depuis peu. De formation universitaire, je suis ingénieur du son. J’ai d’abord travaillé pour la radio en tant que technicienne puis journaliste animatrice. Ensuite j’ai eu une mission de conseil stratégique auprès des artistes de spectacles vivants, en région PACA.
Il y a 2 ans j’ai décidé de quitter ce travail où j’ai appris énormement pour me lancer dans la musique. C’est vraiment grâce à ma rencontre avec le folklore argentin, l’Argentine, les musiciens argentins que j’ai décidé de me lancer et de quitter ce travail de bureau.
C’est une histoire qui s’est faite en plusieurs rencontres on va dire. Mon premier voyage en Argentine c’était en 2014, c’était très rapide je n’avais que 15 jours de vacances. Pour moi c’était un rêve d’adolescente que d’aller en Argentine pour le cheval. Je suis cavalière depuis l’enfance et c’était un rêve de rencontrer les gauchos. Et beaucoup plus tard quand je me suis installée à Marseille pour faire mes études je me mise à danser le tango argentin. Du coup ça faisait deux bonnes raisons d’aller en Argentine. J’ai passé une semaine à Buenos Aires et une semaine dans le Nord-Ouest, Salta et Jujuy.
Oui. J’ai pris un bus à Salta, très très tôt le matin pour aller à Tilcara. Dans ce bus j’ai un souvenir très marquant. Les paysages qui défilent, la lumière du matin j’étais à moitié endormie et d’un coup le chauffeur de bus a mis la radio à fond et il écoutait de la chacarera et de la zamba. Je sais maintenant que c’était ça, j’en avais jamais entendu à l’époque. Mais j’ai été marquée par ces rythmes. Je ne savais pas de quoi parlait ces chansons et j’ai été frappée par l’entrain des gens dans le bus et qui se mettait parfois à taper dans les mains au rythme de la chacarera. J’ai senti quelque chose de très fédérateur de très festif qui m’a beaucoup plu. C’est resté dans un coin de tête sans plus.
Je parle toujours de coup de foudre culturel quand je parle de ma rencontre avec ces cultures et ces musiques-là.
Un an plus tard en 2015. J’ai assisté à un concert de Chango Spasiuk [Note du colibri: une des figures les plus importantes du folklore argentin] à Paris, au musée du quai Branly, grâce à un ami très cher qui est son manager en France. Et là j’ai été bouleversée comme jamais j’ai été bouleversée en assistant à un concert. C’était le contexte post attentat du Bataclan mais au-delà de ça il y avait cette musique qui m’a saisie sans que je comprenne vraiment pourquoi, sans que je puisse encore vraiment l’expliquer. Je n’ai aucune origine argentine, je n’ai pas de raison particulière d’être attachée à ces musiques-là et pourtant elles m’ont complètement retournée, secouée, marquée, à vie je pense. Assez pour que suite à ce concert elles m’ont donné envie de creuser un peu plus. J’ai découvert les musiques argentines traditionnelles par le chamamé et les musiques du littoral [Note du colibri: traditions musicales des provinces du Nord Est bordant le fleuve Parana]. J’ai commencé à écouter des morceaux et plus j’écoutais plus jamais ça.
J’ai la chance à Marseille d’avoir un conservatoire de danse du Folklore argentin: la Academia del Tango y del Folklore Argentino. J’ai voulu pousser la porte de cette école pour rencontrer des gens qui fréquentaient cet endroit et commencer à me nourrir par la danse: la zamba et la chacarera.
Ce qui m’a séduite ça ne s’explique pas vraiment, mais je trouve que c’est ça qui est beau. Je parle toujours de coup de foudre culturel quand je parle de ma rencontre avec ces cultures et ces musiques-là. Et j’ai pas vraiment envie de chercher puisque c’est de l’ordre de quelque chose à la fois inexplicable et évident. Un peu comme une rencontre amoureuse.
C’est ce répertoire-là qui m’a donné envie de quitter mon travail, qui m’a donné envie de me lancer dans la musique, qui m’a donné envie de partager ça aussi avec le public en France. Et non seulement de l’intégrer à mon répertoire, mais de m’y consacrer entièrement. A présent je ne chante plus que des morceaux du Nord de l’Argentine, je ne chante pas le tango.
On tourne avec la Madrugada depuis janvier 2019 dans toute la France, la réaction du public français est pour l’instant très positive. Disons que je pense que le public français a une appétance pour ce qu’on appelle les musiques du monde.
Ce sont des gens qui ont en tout cas cette envie de voyager par la musique. Ils sont étonnés de voir que ce sont des musiques qui viennent d’Argentine. Parce qu’en Europe le tango est super connu. Mais c’est vrai que le folklore se fait plus discret et quand il existe il est réservé à des lieux plus informels.
Moi en tout cas j’essaye de l’amener au théâtre et aussi de faire voyager les gens. Je raconte quelques histoires, de manière très simple, j’explique que ce ne sont pas que des musiques mais bien des cultures, même un art de vivre. Le folklore argentin c’est aussi se retrouver, se passer la guitare, on vient voir des musiciens et on va inviter s’il y a d’autres dans la salle. C’est cette notion de partage que j’ai envie de transmettre avec le public français.
Le folklore argentin c’est aussi se retrouver, manger, boire, se passer la guitare. C’est cette notion de partage que j’ai envie de transmettre avec le public français.
Oui, moi j’avais très peur. Comment des argentins allaient prendre qu’une petite française qui avait passé au final peu de temps en Argentine se permette de chanter des musiques d’une tradition très forte et liées à des réalités qui n’existent pas ici?
Ça a été ma première crainte et ma première vigilance et ça le reste toujours. Peur de manquer de respect ou en tout cas de ne pas être juste. C’est pour ça que j’ai choisi de m’entourer de musiciens argentins sur scène. Moi j’ai ma propre interprétation mais j’ai toujours en tête l’importance du texte et ce que ça raconte.
J’ai eu la chance d’une extrême bienveillance de leur part, ceux avec qui je travaille comme ceux qui sont venus me voir en concert en France.
Et encore plus quand je suis revenue en Argentine début 2020. J’ai été vraiment très très touchée. On m’a accueillie à bras ouverts en me remerciant de m’intéresser à leur culture, ce qui pour moi est assez étonnant. Ils m’ont beaucoup remercié de défendre ces musiques-là en Europe et en France. Et ils ont tout fait pour que je reparte avec le maximum d’information, de nouvelles chansons. On m’a amenée voir des choses dont parle le folklore argentin: des paysages, des fruits, des animaux, des gens. Et ça je suis extrêmement reconnaissante. La réaction des argentins est juste incroyable pour moi d’une délicatesse, d’une générosité et d’une bienveillance que je tiens à souligner.
Regardez le 1er morceau de l’album la Madrugada en cliquant sur la photo ci-dessous
Oui bien-sûr avec moi sur scène il y a Lallo Zanelli au piano et Javier Estrella aux percussions. Après j’ai eu la chance de collaborer avec Melingo, qui participe à l’album La madrugada.
J’ai aussi d’autres projets du côté de Marseille, avec d’autres argentins.
Un trio qui s’appelle Mishki Mayu avec Diego Trosman, guitariste et avec Guillermo Salazar percussioniste, tout deux installés en France depuis quelques années. On a un répertoire de folklore argentin mais joué de manière beaucoup plus traditionnelle qui a pour vocation de faire danser, de mettre l’ambiance.
Ensuite, j’ai un duo avec Diego Trosman. On a monté ensemble un répertoire autour uniquement d’Atahualpa Yupanqui parce que je suis très touchée par les textes d’Atahualpa, sa poésie et j’avais envie de quelque chose très épuré pour jouer dans des petits lieux intimes. Donc voilà, ça fait partie du répertoire qu’on espère jouer dès que nous pourrons.
Les Argentins m’ont beaucoup remercié de défendre ces musiques-là en Europe et en France.
Après avoir assisté à son concert à Paris en novembre 2015, j’ai demandé à Chango Spasiuk d’être le parrain d’un festival autour du folklore argentin que j’ai organisé à Marseille.
Il a accepté et il a été avec nous pendant une semaine en Novembre 2016. Quand il a vu que je m’étais prise d’amour pour ces cultures-là et que je chantais par ailleurs, il m’a invitée à son concert à chanter une chanson. Et ça a été le premier chamamé que j’ai chanté sur scène de ma vie, au côté de Chango Spasiuk. Autant te dire que ça a été un magnifique cadeau de la vie!
Suite à ça, on est devenu vraiment amis avec lui et ses musiciens. Lorsque je suis allée en Argentine début 2020, il m’a encore plusieurs fois invitée à chanter sur scène, en particulier à la fête Nationale du Chamamé. Ce qui est encore un fois un immense cadeau car j’avais prévu d’y être mais dans le public et j’ai eu cette chance immense de vivre cette expérience sur scène.
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Mon histoire d’amour avec la chacarera
Chronique d’un voyage au coeur du folklore argentin
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