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La vie du parc, la vie des gens à Buenos Aires

La vie des gens dans le parc | Photo: A. Labadie

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Episode 2

La vie du parc, la vie des gens

Pour lire le 1º épisode : cliquez ici

» Je vends des sandwiches frais!! »
Une présence humaine me tire de ma contemplation.
» Non, je te remercie»
Ce sont deux amies cinquantenaires qui répondent. Elle viennent de s’installer sur deux transats face à moi. Elles prennent le soleil en bikini et discutent d’enfants, d’ex-maris et d’anniversaires d’après ce que je perçois de leur conversation.

Le parc, c’est la vie, celle des gens aussi.

Ceux qui promènent leur chien en laisse, impatients et nerveux ou ceux qui au contraire partagent un moment de jeu avec lui.
«Allez Rafa! On y va!!!»
Le petit chien court comme un dératé, jouant avec un de ses congénères beaucoup plus grand que lui, sans écouter son maître. On voit qu’il profite de cette liberté. S’il était humain, il serait en train de rire aux éclats. Il continue de poursuivre l’autre mais de temps en temps lance un regard rapide en direction de son propriétaire,  implorant: »  Encore un peu plus, s’il te plaît «. Un autre sifflement et cette fois les yeux disent » J’arrive, j’arrive! Je fais un petit tour de plus » Il n’y a rien à faire contre l’enthousiasme canin. Le jeu passe avant tout et l’homme, amusé, devra s’armer de patience. Des fillettes crient et caressent le caniche d’une vieille dame, qui du coup, entame une longue discussion avec la mère tandis qu’une des petites, plus aventurière que l’autre fait des pirouettes avec l’animal en riant.

Après un long moment de lecture, je me rends compte que quelque chose a changé. Le parc ne paraît pas si vide: il y a plus de monde autour de moi. Là-bas au fond, on donne des cours de tai-chi. Le professeur est asiatique, plus âgé que ses élèves mais moins ridé qu’eux. Une famille s’est installée sur une couverture; la femme s’est assise avec son bébé et regarde son mari et son fils jouer au ballon. Il y a un couple d’adolescents, un solitaire allongé sur la pelouse pour lire ou étudier, et au loin un groupe de jeunes  aux pantalons indiens multicolores qui s’entraînent à jongler. Les deux amies en face partagent des biscuits et prennent un maté. J’aurais dû apporter le mien cette fois-ci. Je commence à ressentir la faim aussi. Bon, me connaissant, ce serait plutôt l’envie d’une gourmandise.

Les petits plaisirs du quotidien

Grâce à la magie du parc, si je fais preuve de patience, la sucrerie viendra à moi. On m’a déjà proposé des sandwiches, des petits pains au fromage, et même des livres de yoga. Avant je me méfiais, mon esprit européen étant peu habitué à ce caractère informel des choses. Je trouvais cela étrange. Des personnes qui vendent des biscuits maisons transportés dans une caisse en plastique, un panier, une glacière sur un caddy…

Je tourne la tête et je le vois. Le gars doit avoir 20 ans – un étudiant qui arrondit ses fins de mois sans doute – il parle avec la famille d’à côté, et porte une caisse de plastique sur la poitrine. Une affiche indique: BROWNIE 15 $. Je me dépêche de lever le bras pour attirer son attention. Je ne veux pas qu’il m’échappe! Je le reçois avec un grand sourire. Comme il me tend le précieux gâteau, une jeune fille s’approche, essoufflée d’avoir couru. » Je t’en achète un » dit-elle enthousiasmée » Ils sont super bons et fait maison » se justifie timidement l’étudiant. Il est réservé mais ses yeux traduisent sa surprise; les acheteurs se pressent sans qu’il n’ait rien à faire. Je défais l’emballage du brownie et je le suis un moment du regard. Ce sera une bonne journée pour lui: c’est le premier ce matin qui vend du sucré. Je déguste le chocolat avec tout le soin qu’il se mérite. C’est exactement ce dont j’avais besoin et il est arrivé à moi providentiellement. Quand je terminerai, je commencerai à plier mes affaires lentement, en savourant encore l’arôme du cacao et le croquant des cacahuètes.

Je sortirai du parc, radieuse, imprégnée de la lumière du soleil et de l’énergie de la nature. Une nature peut-être minuscule, peut-être artificielle mais qui n’en reste pas moins l’essence même de la vie. Je sortirai reconnectée avec moi-même et avec cette terre argentine que j’ai choisie et qui m’accueille. Je sortirai harmonieuse, me sentant intégrée même si mes racines sont lointaines. Je sortirai prête à faire face au monde de la ville.

Lire le 1º épisode

Pour découvrir d’autres lieux pour déconnecter de la grande ville à Buenos Aires, lisez mon article sur la réserve écologique de la Costanera, publié sur Maba blog, le guide de l’aventure des Francophones à Buenos Aires.

 

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