Pour découvrir deux parcs fascinants de Buenos Aires, lisez mes articles sur le Jardin botanique et sur la flore de la réserve écologique de la Costanera, publiés sur Maba blog, le guide de l’aventure des Francophones à Buenos Aires.
Il est encore tôt. Tout est calme. Je viens de passer les grilles de l’entrée et je me suis installée. J’ai choisi mon arbre, un tipa comme toujours, car les feuilles sèches des pins sont piquantes. Maintenant je me mets à l’aise tranquillement, d’abord j’étends la couverture sur le sol, puis le sac à dos et tout ce que j’apporte: le carnet et le stylo qui m’accompagnent partout, un livre à lire ou de la laine pour crocheter selon l’envie du jour, l’appareil photo, une bouteille d’eau, le mate parfois.
J’aime aller au parc. Cela fait partie de mon quotidien portègne. Avant, je ne l’appréciais pas vraiment. J’y voyais une espèce de nature prémâchée pour citadins pressés, comme en boîte de conserve, une illusion de «campagne». Mais aujourd’hui pour moi, le parc c’est de la vie, c’est de l’air «chlorophilisé», c’est de l’ombre et de la fraîcheur en été, c’est de la détente avec un fond sonore de bazar urbain.
Mon lieu de déconnexion et de paix. Un poste d’observation idéal.
C’est un moment privilégié pour écouter les oiseaux ou le vent dans les feuilles, pour s’appuyer contre le tronc rugueux d’un arbre, pour sentir sur mes jambes nues et détendues les chatouilles d’une araignée, pour savourer la fraicheur de la pelouse, avec ce léger final aigre, typique des parcs urbains. Serait-ce une odeur de … pisse? Si, sans doute, et même si j’en ai pleinement conscience, je reviendrai quand même sous les branches des tipas.
Je cherche des yeux l’image d’une feuille bercée par la brise légère du matin et je prends une grande bouffée d’air.
Observer les arbres me connecte au rythme de ma propre respiration.
Regarder les arbres de mon village en France me connecte à mes racines.
Regarder les arbres du Parc Centenario, en revanche, me connecte à ma propre liberté.
Un feuillage ressemblant à celui des acacias mais des branches incroyablement tortueuses, les tipas sont exotiques – légèrement, imperceptiblement -. Cela les rend à la fois proches et lointains. Le panorama que je contemple reste étrange même si je commence à m’y habituer. Tout est si singulier pour moi, même dans l’enceinte réduite d’un espace vert, si loin de mes références.
Bien-sûr, il y a les plantes purement argentines et totalement nouvelles pour moi. Le palo borracho (bâton ivre) et son tronc déformé, le ceibo amant des berges de la rivière, l’ombu fierté de la Pampa. Tous sont présents dans le parc. Au printemps et en été c’est un festival de couleurs: les fleurs roses du palo borracho, les grappes violettes du jacaranda, les crêtes rouges du ceibo… Il y a aussi les plantes que je connaissais mais dans d’autres proportions. Les ficus ou les caoutchoucs qui, en France ornent l’intérieur des maisons, sont sur les trottoirs et ne mesurent pas un mètre, un mètre cinquante, ici, ils sont majestueux, énormes. Comme les géraniums qui grimpent comme du lierre sur les façades. C’est un drôle de sensation. Parfois, me laissant étourdir par l’exubérance de la nature, je me sens infiniment reconnaissante d’être ici.
Le parc est mon unique contact direct avec la terre, l’origine.
Avant d’ouvrir mon livre ou de saisir mon crayon, je regarde toujours autour de moi. Je peux rester quelques longues minutes ainsi, à m’imprégner des alentours, si verts, ce ne sont qu’un camaïeu de verts: la pelouse sous mes pieds, les arbustes, l’eau du lac couleur mousse. Il ne se passe rien d’important, hormis le bouillonnement de la vie même et c’est précisément ce que je cherche au milieu de l’accélération de la ville. On entend les jacassements scandalisés des perruches dans leur nid là-haut, ou le duo strident d’un couple de horneros qui chantent en choeur pour renforcer leur amour.
Tout est si singulier pour moi, même dans l’enceinte réduite d’un espace vert, si loin de mes références.
Mais qu’est-ce que c’est que cela, qui grimpe sur mon cou ? Une fourmi! Quooii? Cette chose énorme que j’ai dans la main, avec ce ventre marron, c’est SEULEMENT une fourmi? Paradoxalement c’est un simple insecte qui me rappelle que » tout est plus grand en Amérique «. Cet étrange constat fait lors de mes premiers mois ici est toujours valide.
Hier il a plu. C’était un de ces orages d’été comme seul on peut les vivre à Buenos Aires, un épais rideau de pluie. La pelouse est plus boueuse et même encore plus verte et les merles partagent l’espace avec les perruches. Un pigeon picazuro vient boire dans la flaque qui s’est formée. J’ai sorti l’appareil photo et je m’arme de patience pour faire un cliché de son mouvement de tête bizarre. Une fois – c’était un matin plus silencieux qu’un autre – j’ai vu des espèces de piverts, à la tête rouge, se promener timidement dans un caniveau, éloignés des autres oiseaux. Plus rarement, car il est discret et agile et ne se fait pas remarquer, j’ai aperçu un colibri butiner une fleur. Même quand ce n’est plus la première fois, l’émotion et la fascination face à cette apparition fugace restent intactes.
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