Le derrière des jolis mots 1/2
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Le derrière des jolis mots 2/2

Un taller automóvil en la calle Warnes. | Foto: A. Labadie

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Pour lire le 1º épisode : cliquez ici

 

2º Episode

Les différents complimenteurs

 

Après maintes et maintes allées et venues sur la rue Warnes, plusieurs fois par jours, passage obligé pour rentrer chez moi, je peux parler désormais au nom de l’expérience. Il paraît qu’en la matière les Argentins font preuve d’une imagination sans limites, soit dans la vulgarité, soit dans le jeu de mots. Je ne sais pas si c’est parce que je n’en suis qu’à la phase d’initiation ou si c’est que les complimenteurs de Warnes manquent de créativité, mais je n’ai pour l’instant croisé que des piropeadors conventionnels. Je n’ai pas encore fait l’objet de propos vulgaires. Par contre, voici les différents types de complimenteurs que j’ai pu rapidement identifier. 100% instants vécus, 100% véridiques…

Le discret :

Le plus courant, il faut reconnaître. Celui qui veut s’exprimer sans trop s’impliquer. Piropo accompagné d’un regard en coin. Un murmure, un simple «linda» marmonné entre les dents de celui que l’on ne fait que croiser, qui passe en coup de vent et regarde bien exprès de l’autre côté. Un sujet généralement jeune.

L’intrépide :

L’exact inverse du discret, ici l’objectif est de bien se faire entendre, de faire le cacou, et d’affirmer sa virilité. Le sujet aime les sensation fortes. «Que buena que estás!» Le type te crie ça en conduisant, la tête par la fenêtre pour bien voir ta réaction, et l’intersection se rapproche. Tu penses: «Mais regarde où tu vas bon sang!!!» et il continue à te fixer, et le croisement est là… Et tout à coup une grande peur te prend, vais-je être la cause d’un accident de la route? Mais le gars maîtrise parfaitement son coup. L’intrépide du piropo est aussi un as du volant… Et que dire de ce gamin qui n’avait pas plus de 12 ans, qui me crie para la fenêtre du bus scolaire: «Hermosaaaa«? Un futur aventurier du compliment.

Le silencieux :

On pourrait le qualifier de piropeador passif, et il se pratique en groupe… Celui-là est beaucoup plus subtil, et beaucoup moins évident à détecter. Un groupe d’hommes réunis qui discutent, et quand une femme arrive à leur hauteur la conversation perd de sa verve, jusqu’à un silence total. Comme un instant sacré, un femme et son postérieur passe… Elle sent les regards peser sur elle, qui la suivront encore jusqu’à ce qu’elle tourne à l’angle de la rue.

 

Je songe que se promener en leggings sur l’avenue Warnes serait une bonne thérapie de choc pour retrouver la confiance en soi.

 

Offense ou louange?

 

Au départ, quand on est pas encore au courant qu’il s’agit d’un sport national, allez avouons-le, on sourit et on se sent spéciale. Les filles qui ont vécu l’expérience ne le nieront pas. Je songe que se promener en leggings sur l’avenue Warnes serait une bonne thérapie de choc pour retrouver la confiance en soi. Tu as un petit coup de mou? Tu te sens moche laide sans intérêt? Viens faire un tour à Warnes et le club des complimenteurs te trouvera des charmes insoupçonnés. Pour ma part, ce fut une nouvelle manière de concevoir mon corps et ma féminité. J’avais toujours vu le fait d’avoir beaucoup de fesses comme un handicap esthétique. Je viens d’un pays où «gros cul» est plutôt une insulte qu’autre chose. Et je n’aurais jamais pensé que cela puisse se transformer en une louange.

Mais au fil des jours, au fil du temps, il y a quelque chose de lourd, de pesant dans ces regards et ces mots. En étant touriste, cela en est presque folklorique, mais quand on est résidente à 100%, dans le quotidien, cela prend un autre tournure. Quand cela se répète, une fille peut se sentir mal. Les rues argentines semblent habitées d’une grande concupiscence nationale, comme d’un terrain de jeu masturbatoire, où le machisme ambiant n’est pas étranger à l’histoire. Certaines femmes s’en offensent, moi pour l’instant je préfère le prendre avec le sourire et avec ce nouveau regard sur mon corps.

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